Compte Rendu du Contre-Sommet de L’IA
Lundi 10 février 2025
Théatre de la Concorde
De nombreux journalistes ont couvert l’événement notamment : https://usbeketrica.com/ (Libre accès, et résume parfaitement l’ambiance)
Mais aussi : https://www.liberation.fr (Réservé aux abonnés), https://www.lemonde.fr (Réservé aux abonnés), https://www.ouest-france.fr/ (Libre accès, mais assez pauvre)
L’environnement :
Je débute ma prise de note perturbé par le témoignage de Fabien LEBRUN. Il attire notre attention sur les 40000 enfants qui travaillent dans l’industrie minière au Congo pour fabriquer nos processeurs ; Des viols et des mutiliation sur les enfants et les femmes, pour soumettre la population. Il nous alerte sur « le mensonge de la dématérialisation », dans son livre « Barbarie numérique, une autre histoire du monde connecté ».
Corentin de MONTMARIN, de l’institut supérieur de l’environnement, nous a rappelle que l’IA n’est pas une technologie neutre car émettrice de CO2. Le refroidissement des datacenters peuvent se faire par l’électricité (ventilateur) ou l’eau et les deux sont un enjeu pour l’IA. Nous devrions prendre soin de l’eau et réduire l’utilisation de l’énergie fossile comme jamais.
L’
Éducation
Ce contre-sommet aborde le cas de l’éducation, contrairement au sommet officiel. Les enseignants présent dans le public sont assez remontés et se font entendre. L’intervenante mentionne l’ironie de rédiger un devoir avec une IA, les élèves s’aident d’une IA pour faire le devoir, qui sera corrigé par une IA. Un élève n’apprend rien seul même avec une IA et l’intermédiation du professeur est essentielle.
Certains dans le public questionnent comment travailler avec l’IA puisqu’elle est déjà là ? Faut-il former les enseignants ? (Mon avis : C’est considérer qu’elle serait efficace et oublier qu’elle n’est que tromperie). Faut-il utiliser le terme « IA », vu que cet outil n’a rien d’intelligent ? Nous sommes tous d’accord que ce terme ne va pas. Je m’emporte et soumet ma proposition d’un cri : « Arnaque ! »
Le Travail :
L’intervenante de France Travail nous fait part de la diminution de moitié des effectifs de France Travail depuis 2008 : de 14 000 à 7000. La numérisation passée à marche forcé, comme quant les agences ont fermé l’après-midi pour ne traiter que les emails. Désormais, les tâches se font désormais à la chaine en micro-tâches. Quelle violence dans la destruction du service public.
Habib, notre camarade de Solidaires Informatique, a rappelé le cas d’Onclusive et de la délocalisation déguisée par l’IA. Vous connaissez bien ce cas, je ne m’étendrai pas.
L’intervenante de la poste, a mentionné le laboratoire qu’est cette entreprise, avec 80 projets concernés par l’IA. Les facteurs et guichetiers ne sont jamais informé. Nous faisons le constat que les CSE ne sont jamais consultés. Les plannings géré par « PopIA » ne correspondent jamais aux cas personnels des employés et les mères seules sont les grandes perdantes. Si le nom du logiciel n’avait pas été popIA, les employés n’aurait jamais su qu’il s’agissait d’une IA. D’ailleurs il a été renommé.
Du coté de la banque postale, « Lucie » est une IA qui pallie au manque de conseillers. Parmi 20 millions de clients, 3 millions sont particulièrement vulnérables et sont la cible de cette IA par téléphone qui gère les pics d’appel (au moment des versements de la CAF par exemple). Et que dire du coach IA pour le conseiller bancaire. Les données RH y sont qui sont analysés au mépris du RGPD. Pour quel résultat ?
Tout ceci est franchement déprimant.
Entre constat de tromperie, faillite des politiques, nous nous aboutissons à la conclusion que la réponse doit être inter-professionnelle.
Métiers de l’information et de la Culture
Un intervenante nous réveille : Ne nous laissons pas aller à la morosité. « Soyons fier de défendre notre métier avec nos tripe ». C’est un kiff de faire notre métier quand on est artiste ou créateur, et ceux qui veulent nous voler notre métier ne le comprenne même pas.
Tomas PEREIRA GINET-JAQUEMET est un Interprète. Il mentionne la pression sur les tarifs. « Faites un prix, c’est une des dernière fois que l’on utilise un humain et pas l’IA ». Une IA qui traduira sans contexte, sans compréhension, sans culture, dans une langue appauvrie. Les moteurs d’IA sont en Anglais ou Chinois.
Les scénaristes hollywoodiens ont luttés pendant 5 mois de grève pour limiter l’utilisation de l’IA. On demande aux scénaristes de finir leurs scénarios commencés par une IA. Parfois c’est l’IA qui transforme tes 8 épisodes en 6 épisodes par réduction du budget. Il y a une perte de sens énorme à voir détruire sa vision du scénario, son œuvre. A ceux qui disent que l’IA est déjà là, l’intervenant répond : « On peut être contre les SUV et pour les ambulances ».
Au sujet des IA qui indexent les banques de photos : il n’existe encore aucun appareil photo ne décide de prendre une photo. Leur classement est médiocre, l’IA n’est pas un outil neutre.
« Être progressiste ce n'est pas se jeter à corps perdu dans une dystopie désincarnée. » Romain PROTAT, syndicat des scénaristes.
Francis Magois, du journal l’Équipe, confirme que l’IA arrive sans être annoncée. La direction était prête à mettre en ligne un podcast de 2 minutes tous les jours sans même une vérification de l’équipe rédactionnelle.
Eric Barbier de l’Est Républicain mentionne le cas des secrétaires de rédaction que l’on veut remplacer par de l’IA. Cela donne des titres tel que : "Bravo à ce conducteur espagnol qui a réussit à cacher de la drogue dans sa voiture". "Joyeuse Saint valentin à tous" pour un fait divers un 14 février : Il s’agissait d’un pénis sectionné par une femme jalouse.
On nous rappelle le droit d’auteur bafoué par l’IA. On demande à l’auteur de démontrer que l’IA a utilisé notre œuvre, alors que cela devrait être l’inverse : Une demande d’autorisation d’exploiter une œuvre.
Autre pression subie : « Vous serez moins facilement employable si vous n’utilisez pas l’IA. »
L’acteur Vincent Elbaz, se résout pour l’instant, pour son prochain film, l’IA lui volera son visage. Il ne sait pas comment lutter. Il reçoit aussi beaucoup de scénario écrit par ChatGPT.
Parfois les artistes peuvent créer car ils ont des tâches gagne-pain à coté. Ils sont polyvalents. Si on leur retire les tâches récurrentes, comment vont-ils subsister ? Exemple d’un auteur qui est aussi chef-décorateur.
Il faudrait aussi à minima qu’il n’y ait pas d’aide publique pour des projets générés par des IA. Et que chaque projet généré avec une IA soit identifié comme tel.
Frédérique Maupomé mentionne la ligue des auteurs qui a assisté aux débats de l’assemblée nationale en 2022 sur la réglementation de l’IA constate que la ligne des auteurs a été naive et ne pouvait pas s’attendre à une telle expansion de l’IA.
Dans le monde de l’édition, pour économiser 400€ sur une illustration en couverture de livre, on fait appel à une IA !
« C’est le grand remplacement de la créativité humaine » dit Frédérique Maupomé. Applaudissement de la salle.
Joachim Salinger est un comédien qui travaille avec sa voix. Face au danger réel, il demande à ne pas rester seul, à rejoindre des organisations collectives, créer des discussions, un rapport de force.
On nous rapporte le cas des malvoyants : « C’est votre voix qui fait naitre notre image. Ne laissez par l’IA arriver ». Les clips de « Touche pas à ma VF » plaisent beaucoup dans la salle.
Bertrant Burgalat mentionne le cas de la musique : 1000 œuvres déposés par jour sur Deezer sont générées. C’est pourtant l’humain et son imperfection qui fait la musique. Les artistes vont être relégué au rôle d’influenceur. Une IA pour identifier une musique générée par une IA, quelle ironie. L’IA pastiche les sons et les voix en complète illégalité. « L’exception culturelle Française » pourrait permettre de lutter pour la musique, mais ce serait abdiquer pour les autres métiers.
Enfin Stéphanie Le Cam nous mentionne le domaine du droit. L’Europe a été négligente ou incompétente dans la mention de data-mining sur le droit d’auteur en 2019, déjà. Entre les procédures baillons, le droit au secret des affaires, notre capacité à légiférer dans un état de droit amoindri est questionné. Pourrait-on imposer une licence légale s’interrroge Bertrant Burgalat, c’est à dire compenser les auteurs en imposant toute création par l’IA ? Le chemin juridique sera laborieux mais inévitable et nécessaire. Les premières actions aux contentieux arrivent seulement.
Conclusion
Avec ses moments forts, parfois triste, ce sommet était très riche. La raison est de notre coté, alors que dans le sommet officiel, les annonces intensifiantes se sont enchainées.
Que peut-on faire ? Il faut continuer à diffuser d’information. Notre colère est légitime et nous devront augmenter le curseur. Il faut s’organiser inter-professionnellement, et internationalement.
Une priorité sera de sauver l’école, la formation.
Cédric LEVASSEUR